Interview


Ce mois-ci, Matt.B artiste à l’honneur, pour l’habillage du site urban culture

Humble et discret, Matt.B est un grand gars mince qui ne fait pas de bruit mais qui pourtant marque les esprits. Son nom vous dit peut-être quelque chose ? Issu du graffiti et de la street culture, cet artiste aixois oscille entre la réalisation de tableaux, les performances live, les expo’ et s’est même tenté récemment au body painting. C’est un touche à tout qui s’intéresse à toutes formes d’art : de l’art urbain au contemporain en passant par la BD, l’illustration ou la peinture hyper réaliste.

Sa technique ? Le pinceau, la plume et le chiffon pour des œuvres hautes en émotions qui appellent l’imaginaire du public par un style fantastique unique, qui ne laisse pas insensible. Rencontre avec celui qui se définit lui-même comme un artiste peintre performer.

Urban Culture II Dans tes peintures, on voit souvent revenir des femmes aux aspects de déesse ou de muses, souvent dénudées, ainsi que des "échelles tentaculaires" si on peut dire, d’où vient ton inspiration première?

Du pouvoir féminin. Je suis subjugué par les femmes. On peut dire que le nu féminin est mon inspiration divine ! La femme qui donne la vie, domine le monde et les hommes. D’ailleurs les hommes présents dans mes tableaux sont souvent plus androgynes car les femmes prennent le pouvoir sur l’homme. Je tends vers l’art érotique suggéré.

Mon style réside également dans ce que tu appelles les petites échelles (rires). En fait, elles représentent les liens qu’il y a dans le monde, le lien végétal, la vie entre les personnages. Je suis depuis toujours interrogé par le corps humain. J’ai toujours été fasciné par le cerveau et sa capacité à transmettre une information éclair pour gouverner les mouvements par exemple.

Urban Culture II Comment travailles-tu ? Pars-tu d’une esquisse ou d’un brouillon avant de peindre ?

Non pas d’esquisse, ni de brouillon. Les peintures proviennent de mon univers onirique pour ainsi dire. Pour moi, c’est comme si je peignais des visions qu’on peut avoir dans ses rêves.

Généralement, je pars à l’impro. Souvent, il y a des femmes (rires) qui font la base du tableau. Ce qui guide mon pinceau, c’est l’échange qui va se produire entre tous les personnages, comment ils vont se remettre en question par un échange de regard, de mouvement. C’est une discussion qui se crée, un partage. Il y a de la souffrance et de la joie. Récemment, j’ai intégré plus de couleurs, on peut l’apparenter à la joie. La tristesse du trait côtoie l’abondance de la joie par la couleur ! C’est vrai que j’aime peindre le côté dark présent en chacun de nous.

Urban Culture II Est-ce que tu es conscient qu’on peut voir quelque chose de différent à chaque fois qu’on se plonge dans l’une de tes toiles ?

Comme tous les artistes je pense, non ?! C’est vrai que mes toiles amènent à réfléchir. Mais j’ai plus un souci graphique qu’une démarche conceptuelle. Je recherche l’esthétique visuel plutôt qu’une vraie explication ou un concept concret.

Mes tableaux sont un peu un questionnement sur soi-même. Des mixes de toutes les émotions que l’on peut ressentir dans la vie. Je joue avec les émotions, je peins mon ressenti. L’analyse de mon œuvre après coup est un moyen de mieux me comprendre. Par exemple, je choisis de faire une femme qui s’étire mais après l’émotion du perso se crée dans l’instantané du trait.

Je laisse la liberté au spectateur d’être ouvert et sensible à ce que je fais et d’interpréter le tableau comme il veut, selon son état d’esprit du moment. Je tends à des tracés compliqués et torturés pour faire travailler l’imaginaire de chacun. Alors oui, on peut y voir une chose chaque jour et dix personnes auront toutes une vision différente.

Urban Culture II On peut distinguer deux types de travaux que tu réalises : les peintures et les performances live, quelles différences pour toi ?

Je peins depuis plus de quinze ans. Je suis beaucoup plus exigeant avec les peintures que je réalise dans mon atelier en termes de précision, d’esthétisme. Je prends plus de recul. Je peins, laisse ma toile quelques jours, y revient ensuite…

Les performances live, c’est quelque chose que j’ai mis en place avec Salamah Production, une asso’ de médiation culturelle qui développent des artistes en partageant ses réseaux, il y a trois ans. C’est totalement différent. Les tracés se font à l’instinct sans réflexion, dans l’instantané du moment. Une perf dure en moyenne entre deux et trois heures, pendant lesquelles je suis en interaction avec le public lors de concerts ou festivals. Il y a plus d’adrénaline forcément. C’est ce qui a permis de faire connaitre mon travail.

Récemment, j’ai réalisé des perf live sur des sets de Dj (notamment Kptain N3mo ou encore Captain XXI). C'est-à-dire des perf de trois quart d’heure à une heure. Là, je joue vraiment avec les sons dans les premiers tracés. Je suis encore plus sur l’instinct car je suis sur scène et fait partie du spectacle. Ma peinture s’accorde avec la musique, c’est une pression en plus mais motivante ! C’est vraiment l’acte de peindre en musique qui est important, être guidé par le tempo, ainsi une basse lourde ou un bit rapide vont influencer la peinture. Ce qui compte c’est la réalisation de l’œuvre en elle-même et non pas l’œuvre finie.

Urban Culture II Quels sont tes projets ou tes envies pour le futur ?

Je suis attiré pour peindre de très grands formats, sur des murs de 4-5m (même si j’ai le vertige !) que je peindrai avec l’exigence et la précision des tableaux, pour exprimer mon art en grand format comme pour décorer des lieux par exemple.

J’aimerai également développer l’idée d’expo’ thématiques : réaliser toute une variation d’œuvres autour de thématiques précises.

Et puis j’aimerai voyager encore, faire découvrir mon travail à d’autres cultures, je souhaiterai notamment aller au Japon car j’ai toujours été sensible à leur culture graphique, à leur calligraphie, c’est une esthétique qui fait partie de mon inspiration … 

 

par Christelle Arhancet